vendredi 3 septembre 2010

Helena Rubinstein France à Demi Mort


Personnellement, je m'inquiète un peu pour Demi Moore. Non contente de ne pas avoir tourné dans le moindre film potable depuis des années (comme Sharon Stone chez Dior, ce qui est quand même dommage pour des femmes dont le métier est, jusqu'à preuve du contraire, actrice!), elle est aujourd'hui surtout connue pour être la moitié (la Demi, ah, ah, ah!) d'Ashton Kutcher, dont on ne sait d'ailleurs pas exactement non plus ce qu'il fait dans la vie (hormis passer sa vie sur Twitter!). Alors si maintenant, la marque Helena Rubinstein, qui est probablement le principal employeur de l'ex Mme Bruce Willis (vous avez vu cette culture people à toute épreuve!), commence à fermer boutique dans certains pays, le planning de Demi risque de rester aussi peu chargé dans les prochains mois. Car oui, et c'est évidemment là que je voulais en venir, Helena Rubinstein va bel et bien se retirer des magasins français dans les prochaines semaines. Une nouvelle victime de la guerre que se livrent chaque jour les marques peuplant la Planète-Beauté. Mais ce soldat mort au combat est un cas un peu particulier puisqu'il appartient au bataillon L'Oréal, qui n'est pourtant pas du genre à abandonner si facilement ses hommes au front.


Avant d'essayer de comprendre un peu ce qui c'est passé pour en arriver là, je vous propose de revenir brièvement sur l'histoire de la marque. Et oui, on n'y pense pas forcément mais Helena Rubinstein n'est pas qu'un nom sur un pot de crème mais bel et bien une femme qui a simplement révolutionné la beauté. Née en Pologne en 1870 (ça ne nous rajeunit pas tout ça!), elle est l'aînée d'une (grande) famille de 8 soeurs. Après avoir commencé des études de médecine, elle a l'occasion de partir pour l'Australie. Elle n'arrive pas là-bas les mains vides mais avec une crème de son cru, Valaze. Ce baume, inspiré par la recette d'un ami chimiste hongrois, associe herbes, écorces et amandes. Et devinez quoi ? Ce soin va immédiatement séduire les Australiennes dont la peau est mise à rude épreuve par les conditions de vie et le climat. Et là, tout s'enclenche : elle créé sa propre société de cosmétiques à qui elle va donner son nom, puis ouvre sa première boutique à Melbourne. Nous sommes alors en 1902, l'année où elle inventa un concept qui nous semble tellement évident aujourd'hui : le soin cabine. Et oui, le soin en institut, c'est à Helena Rubinstein qu'on le doit ! Sa première innovation, qui sera suivi par de nombreuses autres.


En 1908, et probablement inspirée par ses études de médecine, elle décide de se pencher sur les corrélations entre beauté et science. Confiant sa boutique australienne à l'une de ses sept soeurs, elle file à Londres où elle rencontre notamment... Marie Curie ! C'est fou quand même tout ça quant on y pense. Enfin bref, ce qu'il faut retenir, c'est que notre chère Marie Curie va aider Helena Rubinstein à avancer dans ses réflexions, en insistant notamment sur le fait que "le corps respire aussi par la peau". Nouveau coup de génie en 1910 lorsqu'Helena Rubinstein dresse la classification des types de peau, pour proposer des soins adaptés à chacun d'entre eux. Et si aujourd'hui, cela semble une évidence, il faut garder à l'esprit qu'à l'époque, c'était quelque chose de totalement novateur. Tout comme les tests scientifiques qu'elle met en place à la même période, pour valider l'efficacité de chacun de ces soins. Les études cliniques, c'est aussi à elle qu'on le doit.


Après la Pologne, la Suisse, l'Australie, le Royaume-Uni, elle débarque... à Paris ! Dans la bonne société de l'époque, elle côtoie Chagall, Dali, Picasso... Dans la Maison de Beauté d'Helena Rubinstein (rue Saint-Honoré), Colette est l'une des premières à oser se dénuder pour se faire masser par celle que Jean Cocteau appelle alors "L'Impératrice de la Cosmétique". 1914, la guerre commence et c'est l'exil pour les États-Unis avec son américain de mari. Là bas, rebelote, elle ouvre des instituts à New-York, Chicago, Boston... Mais chez l'Oncle Sam, Helena Rubinstein n'est pas une pionnière : Estée Lauder et Elisabeth Arden sont déjà dans la place. Et la guerre entre les trois grandes Dames de la beauté sera sans merci.


Elle redouble donc d'effort pour se démarquer de ses deux redoutables concurrentes... au point, selon la légende, de délaisser un peu trop son mari. Par amour et pour sauver son couple, elle prend une décision difficile et revend en 1928 tous ses établissements américains à Lehman Brothers (vous savez, la banque qui a fait faillite il y a deux ans nous entraînant tous dans un bordel infini!) pour la modique somme de 7,3 millions de dollars. Mais en 1929 (allez, faîtes appel à ce qui vous reste de vos cours d'histoire du lycée!)... c'est la crise, le krack boursier. Une opportunité en or se présente du coup à Helena Rubinstein qui rachète toutes ses actions vendues un an plus tôt pour seulement 2 millions de dollars, faisant au passage une plus-value d'enfer qui en fera une des femmes les plus riches de sa génération.

Trop absorbée par la beauté et malgré ses efforts, son mariage finit par prendre l'eau. Elle se consacre alors entièrement à sa passion pour la beauté, enchaînant sans relâche les inventions. Le premier autobronzant ? C'est à elle qu'on le doit, tout comme le mascara waterproof qu'elle lança en 1939. Elle importe également en Europe de nombreux procédés marketing qu'elle expérimentait déjà aux Etats-Unis, et à chaque fois, l'initiative est couronnée de succès. C'est bien simple, elle a presque toujours une longueur d'avance. Le 1er avril 1965, comme un mauvais poisson d'avril, elle disparaît à l'honorable âge de 94 ans laissant un héritage cosmétique simplement colossal. Sa société sera ensuite revendue en 1974 à Colgate-Palmolive, avant que le groupe L'Oréal la rachète en 1984.


Alors forcément, avec une histoire si riche et une créativité aussi débordante, c'est forcément un peu triste de savoir que l'on ne verra bientôt plus la marque dans les linéaires de nos parfumeries. Je pense qu'il y a de très nombreuses raisons pour expliquer ce qui a amené L'Oréal à prendre cette décision - et je vous invite d'ailleurs à me faire part de vos hypothèses dans les commentaires - mais voici en tout cas de mon point de vue les points qu'il aurait peut-être fallu travailler pour que la marque ait enfin l'exposition qu'elle aurait mérité.


TROP AXÉE SUR L'ANTI-AGE

Helena Rubinstein propose des soins anti-âge ultra-performants, c'est bien. Le souci, c'est que la marque ne propose quasiment que ça. Du coup, elle se prive au passage d'environ 60% de la clientèle. Pourquoi ne pas avoir décliner des gammes simplement hydratantes pour tenter de recruter des consommatrices un peu plus jeune ? Les prix des soins étant également assez prohibitifs, il aurait peut-être également fallu faire un travail de pédagogie pour expliquer quelles étaient les technologies qui justifiaient ces prix. Moi personnellement, je serai bien incapable de citer un actif star que la marque aurait lancé ces dernières années.


PAS ASSEZ AMBITIEUSE SUR LE PARFUM ET LE MAQUILLAGE


Dans le réseau parfumerie, la plupart des grandes marques proposent une offre à 360° avec à la fois du soin, du maquillage et du parfum. Si en soin, Helena Rubinstein avait de quoi faire, la situation était un peu plus difficile sur les deux autres segments. Côté maquillage, la marque n'a qu'un véritable best-seller, son mascara Lash Queen qui est un vrai classique, souvent réinterprété d'ailleurs dans de jolis collectors. Mais les différentes collections saisonnières proposées étaient loin de créer le délire. Pas de produit qui attirent l'oeil, des couleurs un peu trop traditionnelles... il manquait certainement le petit truc en plus.


Côté parfums, c'est seulement l'année dernière qu'Helena Rubinstein a été relancée sur ce créneau avec le jus Wanted qui, une fois passé l'effet de nouveauté, n'a pas vraiment tenu le haut de l'affiche. L'Oréal aurait peut-être du piocher dans les parfums créés par Helena Rubinstein pour créer régulièrement de nouveaux jus, en réinterprétant un peu ses anciennes créations.


LA CINQUIÈME ROUE DU CAROSSE


Sans communication, point de salut. Et à ce niveau là, on ne peut pas dire que L'Oréal est beaucoup oeuvré pour Helena Rubinstein. Avec quasiment aucun soutien publicitaire, difficile de faire venir les potentielles clientes sur le point de vente. Mais dans la division produits de luxe de L'Oréal, coincée entre Lancôme, Biotherm, Shu uemura & Co, Helena Rubinstein n'était pas ce qu'on appelle une priorité. Le groupe aurait néanmoins décidé de mettre en place une structure permettant de continuer à vendre les produits de la marque, simplement sur Internet. Une idée qui me laisse perplexe : vendre des soins à 100 euros sans aucun conseil, ce n'est pas ce que j'appellerai l'idée du siècle.

Enfin bref, ce serait dommage de terminer ce billet sur une note négative après toute la belle histoire d'Helena Rubinstein. Je propose donc de conclure avec une phrase que je retiendrai de cette femme qui aura incontestablement marqué de son empreinte la Planète-Beauté : « Il n'y a pas de femmes laides, il n'y a que des femmes paresseuses ».

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